mercredi 30 avril 2008

Coup de fil tragique d'Elkabbach. Un mort

Il est des jours où l’on voudrait tant se réincarner en baby phone, comme celui qui espionnait le patron de Porsche dans un hôtel de Wolfsburg. Par exemple pour assister à l’audition de Jean-Pierre El Kabbach, auteur d’une belle bavure mortelle sur la personne de Pascal Sevran, par les sages du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) le 6 mai prochain.

On imagine déjà le courroux des membres du collège du CSA, leur indignation (qui attendra soit dit en passant le 6 mai prochain. C’est qu’ils sont occupés, surbookés au CSA… Ça en fait des médias à surveiller, des fautifs à épingler, des fréquences à redistribuer).
On salive déjà à la vue des gros yeux de Michel
(1) « voyons, Jean-Pierre… il t’a fait quoi le pauvre Pascal ? ». Agnès (2) lançant « c’est pas juste ». Rachid (3) s’impatientant « allez, je n’ai pas que ça à faire, j’ai rendez-vous avec la France, moi ».

On risque cependant d’être déçu. Tous ces gens sont trop bien élevés pour en arriver à de telles… extrémités. Et puis, on se connaît, hein, on est entre nous. Bon, y a bien Rachid, l’Arabe de service, la minorité visible à lui seul, l’accident de parcours, mais les autres, bon, les autres, hein, c’est pas non plus les rageux d’Acrimed ni les dangereux révolutionnaires vulgaires du Plan B. Ni même d’ailleurs l’équipe gnan gnan de feu Le Premier Pouvoir. Non, des gens bien élevés, on vous dit.
On papotera entre copains. On se connaît, hein J.P. ? Alors, tu t’es encore payé la tête du petit Pascal, sacré Jean-Pierre… y en aura peut-être même qui lui lancera à son entrée « taisez-vous El Kabbach !
(4)» Et tout ce petit monde pouffera. C’est mignon. Mais bon, Jean-Pierre, il va falloir quand même qu’on te mette au piquet. Et Jean-Pierre qui regardera Agnès « au piquet ? C’est pas juste ». Et on pouffera. Ça se passe comme ça dans le monde merveilleux des médias en France.

Et pourtant, se dit-on, il y a bien eu faute. Et pas des moindres. Oui, mais bon, on va pas en chier un tank. D’ailleurs, c’est que Sevran, hein… Alors, bon… D’ailleurs, regardez la rédaction, elle dit rien, ou presque rien. Bon, elle a bien montré du doigt le Jean-Pierre en disant « c’est lui, c’est pas nous », mais c’est que du mouchardage entre gosses qui s’aiment. Parce que, il faut toujours le rappeler, ils s’aiment sur Europe 1. La société des rédacteurs, elle doit l’adorer le JP pour avaler couleuvres sur couleuvres sans réagir. JP qui consulte sarkozy et le clame avant de choisir le journaliste politique d’Europe 1, JP qui module la durée de ses interviews et ses questions en fonction de ses accointances avec les interviewés, etc. Mais bon, c’est notre JP. Il nous obtient des news. Bon, là, il a merdé, lui, hein, on vous dit, pas nous. Mais on va pas en faire des tonnes. On n’est pas les ringards de France 2, nous
(5).

Et pourtant, dirait un naïf observateur des médias, que manque-t-il à la rédaction d’Europe 1 pour dire "stop, basta, là on arrête les frais" et d’exiger le départ d’El Kabbach ? Que faut-il de plus à ces "grands" journalistes parmi les mieux lotis de France pour qu’ils appliquent les belles théories et les grands idéaux que que le Jean-Pierre lui-même professe ? Annoncer une grève si El kabbach ne fout pas le camp, est-ce utopique ? Est-ce excessif comme ne manqueront pas de répliquer certains ? Est-ce si banal finalement cette bourde qu’on ne réagit même plus ? Tout le monde, toutes les statistiques (des chiffres de vente aux sondages) le montrent : le désamour entre la presse dans toutes ses composantes et les Français est on ne peut plus profond et semble même définitif. Lecteurs, auditeurs et spectateurs recherchent plus que jamais une info vraie, vérifiée et surtout une attitude irréprochable des journalistes. Une réaction radicale et rigoureuse de la rédaction d’Europe 1 serait un signe clair autant pour les auditeurs de la station et tous ceux qui suivraient cette info que pour tous les "décideurs" qui entendent régenter l’information dans "leurs" médias.

Holà, stop, on arrête tout, coupez !... Où est-ce qu’il va chercher tout ça ? Ah oui, on oubliait, Europe 1, c’est déjà la radio des "décideurs", alors, bon… En tout cas, à l’époque où je l’écoutais encore, elle l’était... Il y avait même une chronique qui s’intitulait ainsi... Le monde du journalisme, surtout dans sa composante parisienne est devenu (pourquoi "devenu" au fait ? A-t-il jamais été autre chose ?) un monde incestueux où les cooptations, la connivence, les renvois d’ascenseur, les craintes et les peurs sont devenus monnaie courante. Une monnaie de singes... savants ! Parions qu’une telle affaire à la BBC vaudrait au Kabbach local d’être poussé à la démission dans les 24 heures...

Mais au fait la BBC, n’est ce pas ce médium que notre France 24 va concurrencer et détrôner grâce à son Pouzilhac du pauvre et sa reine Christine-416 euros-la-minute-de-verbiage
(6) ? Voilà un placard, pardon, une promotion idéale pour El Kabbach : nouvelle voix de la France ! Allez les journaleux d’Europe 1, un petit effort, virez... non pardon, rendez-nous El Kabbach ! C’est pour l’intérêt supérieur de la France...


(1) Michel Boyon, président du CSA, ancien président de Radio France (1995 - 1998), ancien directeur de cabinet de Jean-Pierre Raffarin à Matignon de 2003 à 2005, un des concepteurs de la loi Léotard (1986) qui ouvrira la voie à la privatisation de TF1.

(2) Agnès Vincent-Derauy, conseillère au CSA, ancienne journaliste et productrice sur Antenne 2 puis France 2 et France 3. A produit pour cette dernière chaîne l'émission pour enfants C'est pas juste.

(3) Rachid Arhab, conseiller au CSA, ancien journaliste de France 3 où il a présenté le journal de 1998 à 2000, ce qui lui valut un Sept d'or. Il a conçu et présenté dès l'année 2000 sur France J'ai rendez-vous avec vous, émission qui fait le tour de la France pour interroger les gens sur l'actualité.

(4) Pendant la campagne présidentielle de 1981, lors d'un débat politique animé par Elkabbach, Georges Marchais, alors secrétaire national du Parti communiste français, lui aurait lancé "taisez-vous Elkabbach!".

(5) En février 2004, après que David Pujadas eut annoncé qu’Alain Juppé quittait la vie politique alors que l’intéressé dans le même temps disait le contraire sur TF1, plus de 67 % des journalistes de la chaîne avaient répondu "non" à la question "faites-vous confiance à Olivier Mazerolle, directeur de l’information de France 2 ?". Ils ont été près de 70 % à répondre encore par la négative à la question "Accordez-vous toujours votre confiance à l’équipe du 20 heures ?". Cette motion de défiance avait entraîné la démission d’Olivier Mazerolle et la suspension de David Pujadas.

(6) Révélation du Canard Enchaîné du 23/01/2008.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Pas mal le titre.on sent l'amertume derrière l'ironie. Du vécu?