samedi 31 janvier 2015

L'histoire révélée des attentats contre Charlie Hebdo

Il était une fois un journal sans pub mais avec beaucoup de dessins impertinents et d’articles irrévérencieux.

Non, il faut changer ce début. Plutôt : 

Il était une fois un journal sans pub et donc avec beaucoup de dessins impertinents et d’articles irrévérencieux.

Encore mieux : 

Il était une fois un journal avec beaucoup de dessins impertinents et d’articles irrévérencieux car c’était un journal sans pub.

Ok, on va garder celui-ci. 

Il était (donc) une fois un journal avec beaucoup de dessins impertinents et d’articles irrévérencieux car c’était un journal sans pub. Ce journal, comme tant d’autres avant lui, était en train de mourir de sa petite mort dans une indifférence générale. Indifférence qui contrastait avec les envolées lyriques pas encore unanimes, mais presque, quelques années auparavant, lors de l’affaire des caricatures de Mahomet et surtout plus tard, après l’incendie des locaux. Malgré un appel aux dons, le journal semblait incapable de se pérenniser. Bref, un petit journal sans pub qui se trouvait désormais dans le petit coin gauche du double-page central de notre conte. Tout en bas, presque déjà sortant du cadre.

Ne voulant pas les voir disparaître, Dieu dans son immense miséricorde ne pouvait pas non plus intervenir sans risquer de froisser son voisin de palier, Allah, furieux de voir caricaturé son postier envoyé il y a une quinzaine de siècles et qu’il aimait par-dessus tout car le meilleur dans l’apprentissage par cœur. (Oui, la realpolitik existe aussi là-haut.) Dieu avait donc les mains liées (c’est une expression. Déjà Dieu ne peut avoir de mains. Encore moins menottées comme un vulgaire Rachid).

Dieu lui-même avait eu maille à partir avec ce petit journal-sans-pub-et-donc-avec-des-dessins-impertinents-et-des-articles-irrévérencieux. Il avait tempêté, menacé, grondé, envoyé quelques sbires, re-menacé, re-tempêté, même porté plainte devant les instances civiles qu’il abhorrait depuis qu’elles l’avaient remplacé, etc. Sans succès. Alors, sur le conseil d’un responsable-de-com croisé dans les vestiaires des Enfers, il avait pris le parti de les ignorer. Consigne fut donc passée de faire comme si de rien n’était. Regarder ailleurs et siffloter. Voire, à l’occasion, soutenir le journal au nom de cette ineptie sans nom, la liberté d’expression.

Bien lui en a pris. Ignorés puis ayant découvert Allah, les p’tits garnements lui foutaient la paix. A peine si de temps en temps ils s’en prenaient à quelque pape ou cardinal. Mais là, Dieu comme Monsieur Ponce, s’en était lavé les mains (qu’il n’a pas, n’oublions pas !). Il n’allait quand même pas soutenir quelques transsexuels en robe avec des tiares sur la tête. En plus, ces cons-là se tapaient des gosses sans capote au lieu de se contenter des gaillards de la Garde suisse.

Bref, Dieu avait la paix. Il commençait même à les aimer, ces p’tits garnements. A leur manière, ils lui rappelaient ce grand fou idéaliste de Jésus, un autre naïf qui ne voulait pas de pub dans les temples. Quelle idée ! Et puis, ils lui donnaient quelques moments de répit à chaque fois qu’ils clouaient le bec à cette folle qui le harcelait. Comment elle s’appelle déjà ? Ah oui, la Poutin… Quoi ? Que me souffles-tu dans l’oreille petit Charb ? Ah, oui, c’est vrai, Boutin. Poutine, c’est l’autre scatophile qui aime bien inspecter les chiottes. Heureusement que ce n’est plus de mon ressort, les dox. Quoi ? Que dis-tu petit Honoré ? Si quand même un peu ? Ah non, chacun sa merde. Moi, c’est Rome. Hé hé, hé… Les schismes, ça a du bon.

Dieu se triturait donc la tête et les méninges (ou ce qui en tenait lieu) jusqu’à ce qu’il croise de nouveau dans les vestiaires des Enfers, entre deux grillades, le fameux responsable-de-com. Il lui demande alors conseil. « Écoute gros, là, c’est ma pause, reviens me voir dans une heure » fit le responsable-de-com en remettant sa Rolex et en réajustant son catogan. Ce que fit Dieu.

Et le roué responsable-de-com lui souffla une idée digne de ce p’tit diable de Lulu lui-même (Lucifer pour les moins intimes) :

- Tu leur balances dans la gueule quelques sbires de ton voisin Allah machin truc, t’en sacrifies quelques uns, tu fais dans le spectaculaire, hein ! Pas du travail à la petite semaine. Et puis tu verras tous les veaux dans la rue et l’argent qui coule à flot.

- C’est innommable !

- Mais efficace !

- Ah, mais mon voisin après ça, c’est le gros melon assuré, il n’en passera plus les portes. Et je devrai me le taper dans la cage d’escalier.

- Ah oui, les bruits et les odeurs, je comprends.

- Quoi ?

- Laisse, juste un souvenir de boulot. Ouais, bon, je ne sais pas, moi. Tiens envoie un autre sbire tuer du juif, ça c’est bon, ça marche toujours. Du coup, tes deux voisins vont passer leur temps à se cogner dessus et toi, tu comptes les points.

- Génial !

- Et ma remise de peine ?

- Oui, tu l’auras. Dieu n’a qu’une parole. Enfin, tant qu’elle reste au ciel… Mais dis voir justement, t’aurais pas un truc pour me débarrasser de cette bande de vieux cons avec leurs entonnoirs sur la tête.

- Holà, c’est Mission impossible... Je ne sais pas moi, essaie la théorie du genre.

- Pas con.

Il fut fait comme il fut dit.
Et depuis, quelques angelots supplémentaires passent leur temps à tagger la cage d’escalier de l’immeuble divin. Mais comme les voisins sont occupés, personne ne s’en plaint.

Les sbires liquidés, le journal renfloué et l’union sacrée. Tout est bien qui finit bien, non ?